Le visage dans l’histoire de l’art à Geneve

Rate this post

C’est l’image que nous connaissons le moins de nous-mêmes, et pourtant le dessin de notre profil nous représente sans équivoque. Le visage de profil, le seul qui puisse être dessiné d’un seul trait continu, est un signe fort, essentiel mais reconnaissable. Certains profils sont devenus si célèbres qu’ils peuvent être reconnus par leur seule silhouette, sans avoir besoin d’autres détails.

Reconnaissez-vous ceux qui figurent dans un portrait de visage ?

Une ligne entourant le visage : le portrait de profil

On peut ne pas connaitre, mais on reconnaîtrait immédiatement la silhouette à l’aide du visage.  Ce qui est curieux, c’est que ces profils sont directement liés à l’un des plus anciens mythes sur la naissance de la peinture : Pline l’Ancien, en effet, dans son Naturalis Historia (premier siècle de notre ère), fait remonter les origines de l’art à ce jour lointain où la fille d’un potier de Corinthe, la jeune Dibutade, pour garder en mémoire la figure de son bien-aimé (un soldat sur le point de partir à la guerre) aurait tracé sur le mur la silhouette de l’ombre projetée par une lampe ou la lumière du soleil.

Cette pratique, connue sous le nom de circumductio umbrae, lie inextricablement l’art à l’idée de reproduire la réalité et le portrait à la fonction de recréer la présence d’une personne. Cependant, les premières représentations du profil humain n’avaient rien à voir avec la mimésis ou le souvenir des disparus. Au contraire, ils présentaient une iconographie clairement standardisée qui ne pouvait se référer à des individus spécifiques ou qui était si idéalisée qu’elle ne ressemblait en rien au modèle réel.

On parle des bas-reliefs sumériens et égyptiens du 3ème millénaire avant J.-C.. Les visages sont synthétiques et répétitifs, avec un grand œil frontal (il faudra encore deux mille ans pour que l’œil soit également de profil…) et une intention plus festive ou narrative. Dans certains cas, cependant, une recherche de personnalisation des visages est évidente à travers une conception peu commune du profil : dans les portraits du pharaon Akhenaton, on peut voir un menton pointu accompagné de lèvres charnues qui se répète dans toutes les représentations du souverain.

De toute évidence, ces caractéristiques faciales (peut-être dues à une anomalie génétique) étaient si prononcées qu’elles étaient inévitables, même dans le cadre d’une conception artistique qui tendait à schématiser la forme humaine.

L’art assyro-babylonien a la même approche :

Les souverains des différentes époques sont tous représentés de profil, avec des yeux frontaux et leur visage encadré par des cheveux et des barbes finement bouclés. Ces caractéristiques se retrouvent également dans l’art grec archaïque. Dans la peinture de vase à figures noires, en effet, les visages sont très simplifiés et l’œil est clairement en position frontale comme dans la célèbre amphore d’Achille et Ajax jouant aux dés, peinte par Exekias.

Avec le passage à la peinture à figures rouges,

Les visages sont davantage personnalisés et, enfin, l’œil est également représenté de profil. Le plus grand réalisme de l’œil s’accompagne de l’émergence d’un schéma typique du visage de profil connu sous le nom de « profil grec ». Un visage de profil grec (une conformation plutôt rare), présente une ligne presque continue entre le front et le nez, sans la saillie de la glabelle (le léger renflement du front au-dessus de la racine du nez) et sans changement d’angle évident entre les deux parties. Chez les Romains, le visage de profil prend une toute autre signification : utilisé sur les pièces de monnaie, et presque toujours tourné vers la droite, il devient un moyen de propagande politique pour les empereurs.

La vue de profil idéalise la figure,

Il lui conférant solennité et autorité. Cependant, ces visages sont parfaitement reconnaissables car ils présentent certains traits réalistes associés au visage de tel ou tel empereur. Dans le cas de Néron, par exemple, il est même possible de suivre de pièce en pièce la pinguerie progressive qui s’est manifestée lors du passage de l’adolescence à l’âge adulte.

Les camées avec les portraits des empereurs réalisés en onyx ou en sardonyx,

Des minéraux stratifiés qui permettent d’obtenir deux couleurs différentes pour la figure et le fond, sont très raffinés. D’origine hellénistique, ils présentent une incroyable précision des détails. Avec le début du Moyen Âge, le portrait de profil semble disparaître brutalement, hormis de rares cas de figures marginales. La fixité hiératique des visages byzantins exigeait une vue parfaitement frontale du visage ou, tout au plus, avec une légère rotation de la tête. C’est le regard divin et il ne peut pas se perdre dans le vide comme c’est le cas des visages de profil : Dieu doit vous regarder droit dans les yeux et, en même temps, vous faire sentir sa transcendance.

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Index